Bon, allez, j’y vais de mon petit grain de sel (enfin, quand je dis « petit »…)
“Apparue à la fin du 14ème siècle, l’infanterie suisse allait servir de modèle à l’Europe entière. Tenant à la fois de la phalange grecque par leur formation en carré et de la légion par leurs trois rangs de piques, les fantassins des cantons confédérés bouleversèrent la tactique de la guerre féodale. La charge au pas cadencé de ces soldats unis et disciplinés se déroulait dans le plus total silence. (…) Au combat, les Suisses ne s’embarrassaient pas des règles de chevalerie en usage dans la noblesse (…). Pas de rançon et pas de prisonniers ! Dureté implacable qu’ils appliquaient également aux leurs : (…) les blessés n’avaient pas le droit de quitter le combat, ni même de se plaindre, et les lâches étaient immédiatement abattus par leurs voisins.”
Les débuts
Les Suisses ne portaient pas d’armure : “la rusticité des montagnards ne s’accordait guère avec les pesants et coûteux harnois, et ils mettaient leur armour-propre à ne point porter de fer, si ce n’est au bout de leurs armes. Un pourpoint très serré et des chausses collantes où dominaient le rouge « écartelé » de bleu, de vert ou de blanc constituaient – avec une sorte de béret basque en laine frisée, plus ou moins emplumé – tout leur habillement. Comme arme défensive, le premier rang avait, attachée au bras gauche, une planchette ou une fascine de branchages.”
L’arme la plus utilisée était la hallebarde. Il faut savoir que jusqu’au premier quart du 15ème siècle, la lance suisse était de même longueur qu’une hallebarde, soit 8 à 9 pieds de long (2,60 à 2,90 mètres). Mais ces armes trop courtes ne permettaient pas à l’infanterie suisse de résister face aux longues lances de cavalerie.
Suite à la défaite d’Arbedo en 1422, il fut décider “de doter désormais l’armée de piques en bois de frêne de 18 pieds de long, soit 5,83 mètres, piques capables d’atteindre le poitrail d’un cheval avant que la lance de son cavalier n’atteigne le piquier. Les hallebardes, dont les fers larges et crochus s’enchevêtraient facilement et se prenaient aux vêtements dans les mêlées, furent considérablement réduites en nombre et réservées à une intervention ultérieure, la pique arrêtant le cheval, la hallebarde attaquant le cavalier démonté en un second temps.”
“Les armes de trait, arcs et arbalètes, étaient utilisées depuis longtemps, et dès la fin du 15ème siècle, le « trait à poudre » ou canon à main avait équipé les « gens de trait ». Peu à peu, il supplanta la flèche, avec l’apparition de l’escopette et de l’arquebuse vers 1504. Les Suisses n’utilisèrent pourtant les armes à feu qu’avec une très nette réticence.”
Apparition de l’armure
“C’est le perfectionnement de l’arme à feu qui triompha de l’orgueilleux mépris de l’armure longtemps affiché par les Confédérés. Encore attendirent-ils 1465 et limitèrent-ils son usage aux piquiers du premier rang. On ne protégea tout d’abord que le tronc, mais il fallut bientôt se résoudre à recouvrir les bras et la tête devant la tactique utilisée par les gendarmes dès 1501, consistant à venir « tirer » le premier rang à l’arbalète et plus tard au pistolet.”
“L’adoption de l’armure ne présenta par la moindre difficulté : les arsenaux regorgeaient de harnois pris à l’ennemi, il n’y avait que l’embarras du choix ! La tête était protégée par l’élégante salade ou par une simple cervelière portée sous le béret.”
Au service de l’Europe
Les victoires des Confédérés eurent un retentissement énorme et bientôt on sollicita leurs services dans toute l’Europe.
“Le premier souverain à les utiliser fut Louis XI qui, dès 1453, en enrôla six mille pour sa conquête de la Franche-Comté. En 1480, la paix venue, il s’en servit comme instructeurs de sa nouvelle milice qui devait fournir les fameuses « bandes de Picardie », ancêtre de l’infanterie française.”
Toutefois, “le succès avait engendré l’orgueil et, avec lui, une confiance exagérée en leur capacité de vaincre sans cavalerie ni artillerie, qui réserva aux Confédérés d’amères surprises, comme à Marignan en 1515 et à la Bicoque en 1522.”
Les progrès de l’artillerie et la création de régiments semblables (comme les lansquenets, en Allemagne) furent à l’origine du déclin des troupes suisses. “Sans que leur courage diminuât d’une once, la perte de leur originalité réduisit leur rôle sur les champs de bataille.”
Noware a écrit:
J'ai aussi entendu parlé d'une histoire où les Suisses ont mis en déroute Charles le Téméraire et son armée bourguignone. (...) Les bourguignons partirent sans demander leur reste, en abandonnant là une des plus grosse artillerie en vogue à l'époque mais aussi de la vaisselle en or, etc ...
Il faut savoir que lorsque Charles le Téméraire partit en campagne, il prit “la tête d’une puissante armée de quarante mille hommes et de la plus belle artillerie qui se pût voir. Suivaient les trésors du duc : joyaux, parures, vaisselle d’or et d’argent” (cette dernière pesait à elle seule plus de 12 tonnes !)
Comme l’a expliqué Mandalore, le Téméraire perdit la bataille de Granson. Butin des Suisses : “600 bannières, 420 canons, 800 arquebuses, 1.500 chariots, 10.000 chevaux, des tonnes d’or et d’argent… que les Suisses vendirent comme du cuivre et de l’étain, et l’énorme diamant du Grand Moghol, cédé pour un écu !”
Petite anecdote concernant la bataille de Granson : les Suisses avaient pour coutume de s’agenouiller pour une prière avant de combattre. C’est ce qui fit croire un instant aux Bourguignons qu’ils demandaient grâce.
Source : toutes ces infos sont issues de FUNCKEN (Fred), FUNCKEN (Liliane), « Le costume, l’armure et les armes au temps de la chevalerie. Tome 2 : Le siècle de la Renaissance », Casterman, Tournai, 1978, pp. 10 à 22